Sur la légitimité

Depuis novembre 2021, Trump et ses partisans prétendent que l’élection
présidentielle américaine leur a été « volée » et mettent en cause la
légitimité du président qui n’aurait été élu qu’en recourant à la fraude. Des
Kanaks de Nouvelle Calédonie contestent la légitimité du référendum de
décembre 2021 en raison de l’abstention de la moitié du corps électoral. En
février 2022, la Russie de Poutine entre en guerre contre le gouvernement de
Kiev dénoncé par Poutine comme illégitime. Une guerre que les Ukrainiens comme
les Occidentaux déclarent à leur tour inadmissible au regard du droit
international et illégitime selon les normes de l’éthique et de la morale. La
légitimité est invoquée sans cesse et partout. Ou plutôt, le procès en
illégitimité des adversaires devient systématique, y compris dans les systèmes
démocratiques supposés favoriser le consensus et le respect des règles du jeu.
Cette notion de légitimité a été et demeure malléable. Avec Max Weber, Yves
Mény rappelle que, fondée sur le divin ou le peuple, elle est d’abord une
croyance. Celle co-construite par des dominants qui entendent la rendre
incontestable et des dominés qui acceptent ou contestent l’application du
qualificatif « légitime » à des situations, pratiques ou institutions dont ils
sont partie prenante. Politologue, président émérite de l'Institut
universitaire européen de Florence, Yves Mény a enseigné aux Universités de
Rennes 1, Paris 2 et à Sciences Po ainsi que dans de nombreuses universités
étrangères. Il a notamment publié, aux Presses de Sciences Po, Imparfaites
démocraties (2019).