Les camps de regroupement en Algérie

La guerre d’indépendance algérienne (1954-1962) a constitué le théâtre de
l’une des politiques de déplacement forcé parmi les plus massives du XXe
siècle. De 1955 à 1961, l’armée et l’administration françaises ont organisé le
transfert et l’enfermement de plus de deux millions d’Algériennes et
d’Algériens dans quelque deux mille camps de « regroupement », dont les
objectifs sont autant militaires (vider les campagnes de leur population pour
priver le Front de Libération Nationale et l’Armée de Libération Nationale du
soutien logistique, moral et politique des ruraux), qu’administratifs (placer
sous surveillance constante une population toujours suspecte de soutenir les
combattants nationalistes) et politiques (détruire les structures sociales
traditionnelles pour mieux les reconfigurer en faveur des forces de l’État
colonial). Ces camps cristallisent les enjeux de la « pacification », entre
répression, encadrement social et réformes : en concentrant la population dans
l’espace, ils favorisent le déploiement de toutes les actions qui la
caractérisent, et rendent possible l’exercice privilégié d’une
gouvernementalité coloniale tardive, oscillant entre persuasion et contrainte.
Une politique dont ce livre entend livrer une histoire des idées et des
pratiques de ses acteurs, pour mieux en cerner les rythmes et les conséquences
: au-delà de la précarité durable ou la misère que le regroupement impose à
des millions d’individus, il a aussi entraîné un bouleversement radical et
souvent décisif du peuplement comme de la société rurale en Algérie. Fabien
Sacriste, docteur en histoire et agrégé d’histoire-géographie, est enseignant
dans le secondaire et le supérieur. Il a notamment publié Germaine Tillion,
Jacques Berque, Jean Servier et Pierre Bourdieu. Des ethnologues dans la
guerre d’indépendance algérienne (1954-1962), Paris, L’Harmattan, 2011.