D'une philosophie à l'autre, Les sciences sociales et la politique des modernes
EAN13
9782072282997
Éditeur
Gallimard
Date de publication
Collection
NRF Essais
Langue
français
Langue d'origine
français

D'une philosophie à l'autre

Les sciences sociales et la politique des modernes

Gallimard

NRF Essais

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À l’origine, avec Socrate, la philosophie est une forme singulière de discours
par lequel, selon Max Weber, on 'coince quelqu’un dans un étau logique'. Acte
politique de résistance à un certain dévoiement de la parole publique et
politique, le dialogue philosophique exige de ses interlocuteurs non plus
qu’ils se conforment à un type de vérité susceptible d’exposition doctrinale,
mais qu’ils entrent dans sa recherche commune – que la vie commune se
reconfigure à travers ce type d’expérience dont la philosophie dégage le
socle. Or, la situation change du tout au tout avec l’émergence au XIXe siècle
des sciences sociales qui font leur miel, à l’âge démocratique, de la
connaissance relative au gouvernement des hommes, aux groupements qu’ils
forment, aux liens qui les rassemblent, aux régimes de pensée et d’action
qu’on peut y rattacher. Auguste Comte appelle à passer de la philosophie
métaphysique à une autre, positive, dont la seule fonction, ancillaire et
résiduelle, est d’aider à la clarification et à l’articulation méthodologiques
des travaux scientifiques. Assurément, à la manière de la Grèce ancienne, les
sciences sociales ont imposé un nouvel 'étau logique' au discours public,
opposé leur résistance mentale et normative à une conjonction délétère entre
parole et pouvoir politique, et, en définitive, modifié la perception que les
individus ont de leur existence dans leur situation sociale et politique en
même temps qu’elles inventent des manières d’agir sur cette situation même.
L’enfermement des disciplines institutionnalisées dans leur champ respectif
acheva de les convaincre que la philosophie était seconde par rapport à leur
rationalité propre. C’est justement à l’articulation de ces disciplines et
ambitions, démontre Bruno Karsenti, que la philosophie doit se déployer : si
le discours des sciences sociales est bel et bien requis par le développement
des sociétés modernes en ce qu’elles sont vraiment démocratiques, la
philosophie se doit, elle, d’interroger cette exigence par-delà toute
contrainte imposée par la division en disciplines particulières.
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