S'il n'y a pas Harry Hole dans ce nouvel opus du désormais célèbre auteur norvégien, les fans ne seront pourtant pas déçus. Et loin de là même. Jo Nesbo prouve une fois de plus son talent de brouilleur de pistes, et l'on retrouve son goût pour les traitres, les taupes, les tel-est-pris-qui-croyait-prendre comme à l'époque de "Rouge Gorge" ou de "Chasseurs de tête".
Sonny Lofthus est devenu héroïnomane en réaction au suicide de son père, ancien policier, et de ses révélations par lettre posthume. Prisonnier de la seringue, il est également enfermé depuis 12 ans après avoir avoué plusieurs meurtres à l'âge de 18 ans. Mais quand l'un des autres détenus lui avoue ce qu'il sait sur ce suicide, Sonny a comme un électrochoc. Dès lors, il envisage un plan pour sortir de prison et venger la mémoire salie de son père... De la croisade du "Bouddha à l'épée" resurgiront les anciens démons, qui nous tiendrons en alerte jusqu'à la dernière ligne !

Lassée par les infidélités nonchalantes de son mari, et par ses excuses inexcusables (la dernière en date étant : "je l’ai sautée par inadvertance"), une femme décide d’en finir une bonne fois pour toutes. Elle a donc préparé un plat de raviolis prêt à accomplir le crime parfait. Mais le petit voisin s’invite au dîner et tout bascule : les événements s’enchaînent, le livre se déroule à la façon de poupées russes, comme si chaque histoire pouvait en cacher une autre.

C’est ainsi que l’on apprendra le secret des Vierges de Barhofk, qu’on fréquentera un arnaqueur de vieilles dames, qu’on découvrira une maladie qui transforme la vision en infrarouge et qu’on frissonnera à l’idée qu’un enfant puisse imaginer "cinquante façons astucieuses de tuer une sauterelle". Tour à tour drôle, cynique, absurde ou dramatique, ce roman composite est un vrai bonheur de lecture. Pierre Raufast réussit parfaitement l’exercice de style, jusqu’à la chute finale. Et la boucle est bouclée !

Colin Niel a travaillé plusieurs années en Guyane, et nous en a rapporté quelques excellents romans policiers. "Obia" est son troisième opus et nous emmène sur les berges du fleuve Maroni, qui sépare le département français du Suriname. Une frontière quasi impossible à contrôler, propice au trafic de drogue. Et c'est donc sans réelle surprise que le capitaine Anato et le major Marcy apprennent que les deux jeunes hommes dont on a retrouvé les cadavres, à quelques jours d'intervalle, étaient des « mules », des passeurs de cocaïne. Pourtant, quelque chose à dû déraper, puisqu'ils n'ont pas pris leur avion, et se sont fait assassiner. L'affaire n'est peut-être pas aussi simple qu'elle en a l'air, et ses racines pourraient bien être profondément encrées dans le passé... Que ce soit pour les personnages bien campés, pour le style (Colin Niel s'impose en maître de la phrase nominale) ou pour l'histoire de ce département dont nous ne connaissons presque rien, voilà un roman policier à découvrir !

Ma mère est à la fois d'ombres et de lumière, douce et féroce, végétale et animale. Une mère-louve, protectrice et sauvage, un oiseau rieur épris de liberté, une renarde câline et réconfortante.
Dans cet album allégorique, véritable ode à l'amour maternel, sentiment enraciné au plus profond de nos chairs, une enfant dresse le portrait de sa mère dans toute son ambivalence.
Le texte magnifique de Stéphane Servant explore cette relation fusionnelle dans ce qu'elle a de plus beau. Une poésie des mots sublimée par les tableaux symboliques d'Emmanuelle Houdart. Un livre mystérieux et fascinant !

Que fait donc ce drôle d'oiseau emmitouflé dans du papier bulle sur un porte-palette ? Serait-ce la dernière décoration en vogue proposée par la firme suédoise ? Non, vous n'y êtes pas du tout, tout cela est très sérieux : pénétrez donc dans les coulisses du Muséum-Aquarium de Nancy, sous le regard d'Arno Paul...
Photographe, membre de l'agence Light Motiv et nancéien, Arno Paul est un familier du musée, qu'il fréquente depuis l'enfance. Alors quand il apprend que les réserves pour les collections vont être déménagées, il saute sur l'occasion pour s’immiscer au milieu du chantier. Son art de la mise en scène et le côté cabinet de curiosités font le reste. Inventaire, c'est donc une plongée parmi les animaux naturalisés, les squelettes en tous genres, les bêtes de foire d'habitude sagement entreposés dans des coffres ou des armoires sur rails. La première série de clichés donne à voir les sujets dans leur « habitat naturel », à savoir la réserve, et puis soudain c'est la pagaille : les animaux sont retrouvés sur des planches à roulettes un peu partout dans les salles, les escaliers... Le grand emballage commence. Où l'on rencontre des oiseaux vêtus de capes en papier de soie, des crocodiles bien au chaud sous leur couverture, des phoques sous cellophane et un requin en boîte.
Philippe Claudel ("Le rapport de Brodeck", "Les âmes grises"...) a retrouvé dans ces photos une part de son enfance, et accompagne le travail d'Arno Paul d'un très beau texte intitulé Arche calme sur mer sèche. Il y livre une réflexion sur l'art de la taxidermie (jamais utilisée pour des êtres humains – trop tabou ?), sur l'intérêt historique et zoologique de ces collections, sur la représentation de l'animal dans l'art contemporain. Alors que la photographie fige d'ordinaire son sujet, les animaux ici semblent au contraire reprendre vie le temps d'un flash, et l'on entend encore les cris retentissants des primates de la page 25 en refermant ce fabuleux inventaire !